samedi 29 novembre 2014

Le mariage secret (AS-SIRIYYA) = Prostitution légalisée ?



 Je reprends ici un article rédigé en 2008, mais toujours d'actualité.


Le mariage (az-zawaj) tient une place majeure dans l'islam car la structure de base de la société islamique est la famille. Le Coran et la Sunna (tradition prophétique) recommandent de se marier et de marier ses proches.
Mais le mariage islamique n'est pas un sacrement comme le mariage chrétien, c'est un contrat passé entre la femme et l'homme, définissant les droits et obligations de chacune des deux parties et garantissant, surtout à la femme, tous les droits pendant le mariage et après la séparation.
Ce rappel est important pour moi, qui ne suis ni théologienne, ni anthropologue, pour introduire un sujet qui m’interpelle à plus d’un titre, au vu de l’ampleur qu’il commence à prendre dans nos sociétés, et devant lequel je ne peux m’empêcher de poser un certain nombre de questions.
Dans la société maure, héritière d’une forte culture matriarcale, les us et coutumes, à quelques différences près, passent obligatoirement  par certaines étapes :
·         al- Khoutba : la demande de la main de la fille par la famille ou les représentants du marié. Cette formalité peut se passer en assemblée restreinte ou devant une assemblée familiale élargie et permet de fixer la date de la cérémonie.
·         al-machoura : les familles des mariés invitent, sous une forme consultative, les siens à participer à la cérémonie. Cette étape ressemble à la publication des bans chez les chrétiens, car elle permet aux personnes détenant une information capitale, susceptible d’empêcher le mariage, de venir la délivrer : ceci est important dans une société où certains liens de lait peuvent prohiber le mariage au même titre que certains liens de sang.
·         al-aqd : l’acte du mariage : cette formalité doit être accomplie par un érudit ou un notable ou une personne âgée bien informée sur les deux parties, particulièrement sur la mariée, dans un lieu ouvert et accessible au public. Il est fortement recommandé de promulguer cet acte part toutes les voies de communication : témoins, écrits, you-yous, tamtams, etc.
·         al-nikah : consommation du mariage qui conclut l’acte et le rend effectif après versement de la dot (mahr) à la mariée.
Une fois sous la tente, autrefois propriété de la mariée, le mari devait traiter avec beaucoup de respect son épouse, car la société le jugeait en fonction de son comportement avec son gynécée : ses épouses, sa mère et ses sœurs : ne sont-elles les « pièces de son turban » ?

L’homme a le droit (et pas l’obligation) de prendre jusqu’à 4 épouses, simultanément, sauf dans les dans les deux cas suivants :
-      s’il ne peut pas être équitable avec chacune de ses femmes (temps consacré, biens...)
-      ou si la femme a fait préciser dans le contrat de mariage qu'elle     n'acceptait pas la polygamie de son mari.
Aujourd’hui, nous assistons à un phénomène nouveau dans notre société : as-sirriyya ou le mariage secret, pratiqué surtout en milieu urbain et par toutes les catégories sociales.
Je dis nouveau, car cette forme de mariage était une exception concédée à des femmes vivant en milieu rural, qui n’avaient pas d’autres choix pour préserver leur dignité : veuves ou divorcées quinquagénaires, qui avaient un statut social bien ancré et reconnu qu’elles risquaient de perdre en contractant un mariage tardif difficilement justifiable.
Le mariage secret pratiqué aujourd’hui, ressemble par sa forme au « mariage de jouissance » (zawâj al-mut'a), qui, pour les sunnites, fut prohibé (après avoir été autorisé durant les campagnes militaires du prophète), mais qui reste pratiqué par les chiites. Ses particularités sont qu’il s’inscrit dans une durée déterminée, qu’il se passe à huis clos, et qu’il ne donne aucun droit tacite à la femme : elle accomplit un acte physique sans conséquences sur la vie sociale du mari, car si elle est reconnue devant Dieu comme épouse, elle ne l’est pas devant les hommes.

Le mariage secret pratiqué aujourd’hui est toléré par toutes les instances religieuses dites de proximité, que sont les mosquées. Il permet à tout homme ayant une position sociale bien cotée (une réputation, une femme, des  enfants, …) qu’il veut absolument préserver, de demander à une jeune femme (de préférence) de l’épouser, en secret, moyennant une contrepartie financière et lui permet de l’abandonner à sa guise en dégageant toute responsabilité.

Le mariage secret pratiqué aujourd’hui, n’entre-t-il pas en contradiction avec le fondement même du mariage en Islam ?

Le mariage secret pratiqué aujourd’hui, n’est-il pas un recul dans le respect des droits et de la dignité de la femme ?

Le mariage secret pratiqué aujourd’hui, n’est-il pas une porte ouverte à toutes les pathologies sociales combattues par toutes les religions : le mensonge, l’hypocrisie, l’inceste ou tout simplement la légitimation de la prostitution … ?


vendredi 28 novembre 2014

De 7 à 77 ans : d’éternels vieux.

Je reprends ici un article rédigé en 2008, mais toujours d'actualité. Je le dédie à l'Atelier de cette semaine : "Société Civile et Jeunesse" qui a eu lieu au Jardin de la Biodiversité de Nouakchott.




En littérature, celle de la Bande Dessinée surtout, le concept de 7 à 77 ans évoque la jeunesse éternelle de l’âme de chacun d’entre nous.

Dans les sociétés nouvelles, le statut de jeune est valorisé car reconnu. Les jeunes constituent un investissement commun à tous les membres de la société : elle œuvre à leur éducation et à leur épanouissement, car les jeunes sont sa seule garantie de continuité et de prospérité.

Dans ce pays, « pas tout à fait comme les autres », de Trab el Bidhan, on arrive à 7 ans déjà vieux. Il faut pour survivre dans cet espace réservé aux vieux, faire vieux : avoir des responsabilités, se ranger, s’abrutir, se renfermer.

Pour ceux qui veulent s’épanouir, créer, innover, changer, bâtir, construire,  il n’y a pas de place … comme à la TVM en cette soirée sensée fêter le sacre du jeune Prince des Poètes.

A cette fête qui se devait être celle des jeunes, de la jeunesse, de la créativité, il n’y avait de places réservées qu’aux grandes figures inamovibles de « notre culture », culture des « années bonheur », celle des années 50, 60 et 70.

Comme si notre culture s’était figée aux chantres du nationalisme arabe, défunt chez tous les autres, sauf ici – chantres de la vieillesse croulante, tournée vers le passé, qui ne veut céder sa place au soleil à ces jeunes créateurs méritants, impétueux, porteurs de changement , d’espoir et d’avenir.

Comment peut-il en être autrement à la TVM, ce soir là, alors que le maître des céans, notre Cher Ministre nommé à la Culture, venait de tancer un jeune bedaâ, qui avait osé franchir les limites rouges de « sa » bienséance ?

Comment peut-il en être autrement si les jeunes ne défonçaient les limites de la « bienséance » ? La Créativité n’est elle pas, justement, défoncer les limites, toutes les limites ? !!!

Alors de Grâce, laissons les jeunes respirer, aspirer, expirer … ! ! !

 Il est déjà si difficile d’avoir 20 ans en Mauritanie.

mardi 25 novembre 2014

TOUCHE PAS A MON IDENTITÉ.



A la veille de son 54ème anniversaire, la Mauritanie est menacée par l’une des plus graves crises identitaires de son histoire.
Ces crises qui trouvent leur origine dans les conflits de ce qu’Amin Malouf identifie si bien comme des « Identités Meurtrières » déchirent les nations en les menant, malheureusement souvent, vers des guerres et des génocides qui ne disent pas souvent leur noms.
Or, ces crises existentielles ne pointent du nez que lorsqu’on connait d’autres types de  crise d’ordre économique, politique ou sociale.
Force est, donc, de voir que  la Mauritanie connaît un cumul de toutes ces crises et il n’est donc que normal qu’apparaissent et s’exacerbent les discours extrémistes entendus aujourd’hui dans l’espace public,  ici et là, trouvant échos chez les uns et les autres.
En profane totale dans tous  les domaines savants qui peuvent traiter la question, l’objectif de mon écrit n’est qu’une tentative personnelle pour comprendre la crise qui nous menace afin de contribuer à dégager des pistes pour la désamorcer.
Depuis l’avènement de la République Islamique de Mauritanie, l’Etat Mauritanien, sensé fédérer l’ensemble des habitants de cette aire géographique définie par le colonisateur, bute sur la problématique identitaire et n’arrive pas à asseoir une vision moderne, citoyenne et constructive de l'Etat.
Périodiquement, le choix de la langue dans la constitution et dans le système éducatif alimente les moulins de tous les nationalistes et chauvins du pays, qui tirent le pays vers des exclusives identités  arabo-arabe, ou franco-africaine, sapant les fondements et bouchant toutes les voies de toute identité citoyenne plurielle mauritanienne capable de fédérer les efforts de tous les mauritaniens dans le sens de modalités du « vivre ensemble » acceptées par tous et améliorant l’être de tous.
Aujourd’hui, le problème est plus complexe car il n’oppose plus seulement les 4 communautés traditionnelles qui se positionnaient en 2 grands pôles antagonistes  – qui sont les beidhanes (ou maures) d’un coté, les Halpulars, les soninkés et wolofs, de l’autre- mais bien au sein d’une communauté.
La communauté maure, beidhane, ou arabo- berbère selon l’affinité de chacun, possède une nomenclature sociale semblable aux nomenclatures des sociétés africaines : les castes, et qui sont absentes des sociétés dites bédouines d’Arabie. Elle tire sa ressemblance d’avec ces dernières de sa division en tribus constituées généralement autour de noyaux familiaux ou liens de sang.
Dans cette composition complexe de la société beidhane, se trouve la communauté Hratine qui tire ses origines d’anciens esclaves libérés, selon certains, alors que pour d’autres les hratines seraient d’authentiques autochtones descendant de groupes ethniques aujourd’hui disparus comme les  Bafour.
Cette frange de la société mauritanienne a souvent été assimilée comme étant les « maures noires », car culturellement ils se confondent presque avec les beidhanes : ils ont le même langage, les mêmes traditions.
Les adeptes d’une communauté des hratines distincte, arguent que les hratines se spécifient par leur race, leurs musiques, leurs danses, et leur histoire et réclament leur reconnaissance comme communauté à part entière dans la constitution de la République.
  
Mais dans toute cette cacophonie, moi – et ce moi est nombreux - qui suis née d’un père hartani, d’une mère moitié wolof moitié beidhaniya, qui ne suis ni noire, ni blanche, qui ne parle que le hassaniya et le français, que vais-je devenir ?

Quelle appartenance culturelle vais-je privilégier ?

Ai-je le droit de choisir la culture qui me plait ? La langue qui me convient ?

Et pourquoi nous dépensons autant d’énergie à chercher ce qui nous différencie ?

Comment chercher des traits d’union qui vont nous lier pour nous battre ensemble contre les injustices, les inégalités ?

Comment construire ensemble un projet de société fédérateur, dans lequel chacun aura accès à une éducation valable, à des soins de santé de qualité, le droit à un travail digne, à un logement durable, le droit à une qualité de vie respectable ?

Comment allons-nous apprendre à conjuguer le verbe « partager » ? Le verbe tolérer ? Le verbe « pardonner » ? Le verbe « VIVRE ensemble » ?

Un débat qui croise un autre, beaucoup plus légitime : celui des libertés fondamentales,  l'éradication de l'esclavage et de ses séquelles, la lutte contre toutes les formes d’inégalités sociales, d’inégalités économiques....

A suivre ....

La citoyenne lambda