Je reprends ici un article rédigé en 2008, mais toujours d'actualité.
Le mariage (az-zawaj) tient une place
majeure dans l'islam car la structure de base de la société islamique est la
famille. Le Coran et la Sunna
(tradition prophétique) recommandent de se marier et de marier ses proches.
Mais le mariage islamique n'est pas
un sacrement comme le mariage chrétien, c'est un contrat passé entre la femme
et l'homme, définissant les droits et obligations de
chacune des deux parties et garantissant, surtout à la femme, tous les droits
pendant le mariage et après la séparation.
Ce rappel est important pour moi, qui
ne suis ni théologienne, ni anthropologue, pour introduire un sujet qui
m’interpelle à plus d’un titre, au vu de l’ampleur qu’il commence à prendre
dans nos sociétés, et devant lequel je ne peux m’empêcher de poser un certain
nombre de questions.
Dans la société maure, héritière
d’une forte culture matriarcale, les us et coutumes, à quelques différences
près, passent obligatoirement par
certaines étapes :
·
al-
Khoutba : la demande de la main de la fille par la famille ou les
représentants du marié. Cette formalité peut se passer en assemblée restreinte
ou devant une assemblée familiale élargie et permet de fixer la date de la
cérémonie.
·
al-machoura :
les familles des mariés invitent, sous une forme consultative, les siens à
participer à la cérémonie. Cette étape ressemble à la publication des bans chez
les chrétiens, car elle permet aux personnes détenant une information capitale,
susceptible d’empêcher le mariage, de venir la délivrer : ceci est
important dans une société où certains liens de lait peuvent prohiber le
mariage au même titre que certains liens de sang.
·
al-aqd :
l’acte du mariage : cette formalité doit être accomplie par un érudit
ou un notable ou une personne âgée bien informée sur les deux parties,
particulièrement sur la mariée, dans un lieu ouvert et accessible au public. Il
est fortement recommandé de promulguer cet acte part toutes les voies de
communication : témoins, écrits, you-yous, tamtams, etc.
·
al-nikah :
consommation du mariage qui conclut l’acte et le rend effectif après versement
de la dot (mahr) à la mariée.
Une fois sous la tente, autrefois
propriété de la mariée, le mari devait traiter avec beaucoup de respect son
épouse, car la société le jugeait en fonction de son comportement avec son
gynécée : ses épouses, sa mère et ses sœurs : ne sont-elles les « pièces
de son turban » ?
L’homme a le droit (et pas
l’obligation) de prendre jusqu’à 4 épouses, simultanément, sauf dans les dans
les deux cas suivants :
- s’il ne peut pas être équitable
avec chacune de ses femmes (temps consacré, biens...)
- ou si la femme a fait préciser
dans le contrat de mariage qu'elle n'acceptait
pas la polygamie de son mari.
Aujourd’hui, nous assistons à un
phénomène nouveau dans notre société : as-sirriyya ou le mariage
secret, pratiqué surtout en milieu urbain et par toutes les catégories
sociales.
Je dis nouveau, car cette forme de
mariage était une exception concédée à des femmes vivant en milieu rural, qui
n’avaient pas d’autres choix pour préserver leur dignité : veuves ou divorcées
quinquagénaires, qui avaient un statut social bien ancré et reconnu qu’elles
risquaient de perdre en contractant un mariage tardif difficilement justifiable.
Le
mariage secret pratiqué aujourd’hui, ressemble par sa forme au « mariage
de jouissance » (zawâj al-mut'a), qui, pour les sunnites, fut prohibé
(après avoir été autorisé durant les campagnes militaires du prophète), mais
qui reste pratiqué par les chiites. Ses particularités sont qu’il s’inscrit
dans une durée déterminée, qu’il se passe à huis clos, et qu’il ne donne aucun
droit tacite à la femme : elle accomplit un acte physique sans
conséquences sur la vie sociale du mari, car si elle est reconnue devant Dieu
comme épouse, elle ne l’est pas devant les hommes.
Le
mariage secret pratiqué aujourd’hui est toléré par toutes les instances
religieuses dites de proximité, que sont les mosquées. Il permet à tout homme
ayant une position sociale bien cotée (une réputation, une femme, des enfants, …) qu’il veut absolument préserver,
de demander à une jeune femme (de préférence) de l’épouser, en secret,
moyennant une contrepartie financière et lui permet de l’abandonner à sa guise
en dégageant toute responsabilité.
Le
mariage secret pratiqué aujourd’hui, n’entre-t-il pas en contradiction avec le
fondement même du mariage en Islam ?
Le
mariage secret pratiqué aujourd’hui, n’est-il pas un recul dans le respect des
droits et de la dignité de la femme ?
Le
mariage secret pratiqué aujourd’hui, n’est-il pas une porte ouverte à toutes
les pathologies sociales combattues par toutes les religions : le
mensonge, l’hypocrisie, l’inceste ou tout simplement la légitimation de la
prostitution … ?