jeudi 4 décembre 2014

SI J’ETAIS PAUVRE...



Depuis ma tendre enfance, je rêve souvent d’être riche. Devant des situations d’émerveillement, devant les belles images des magazines, devant les films fantastiques de rois et de reines, je me dis : « quand je serai riche, j’achèterai une belle maison, un château même, avec des piscines, un hammam privé, j’aurai quatre jardins (un pour chaque saison), j’aurai un haras, j’aurai des rivières de diamant, ....

Il m’arrive aussi souvent d’essayer d’imaginer les rêves des enfants des riches ... ceux qui sont nés vraiment riches... ceux qui sont nés dans les cliniques aseptisées de Paris, de New York, langés dans des layettes en soie, bercés par les bras de nounous espagnoles ou philippines.

Si, si, ces enfants existent bien en Mauritanie. Certes ils ne se comptent pas par milliers, mais ils existent bel et bien. Les enfants des quelques hommes d’affaires bien nantis de mon pays.

Ces enfants qui ont appris à jouer au ballon avec des bas et des genouillères sur des pelouses bien tondues, ces enfants qui ont fréquenté le Lycée Théodore Monod ou l’American School.... Ces enfants à quoi rêvent-ils ? Que disent-ils ? Quand je serai grand, je serai le plus fort, le plus beau ? Je ferai le tour du monde en 24H ? J’irai au Tibet ?

J’aimerai savoir, si ces enfants là se disent : un jour quand je serai grand je construirai un hôpital  Américain à Nouakchott, à Néma ou à Sélibaby, ou quand je serai grand je construirai des HLM dans toutes les villes de Mauritanie, j’offrirai des livres à tous les enfants, des poupées, des chocolats ....

Lorsque je suis devenue plus grande, je me dis, souvent devant des situations d’impuissance : « si j’étais riche, j’aurai fait ceci ou cela »... 

Je me dis aussi quand je serai riche, je réaliserai tous les projets que j’ai dessiné un jour : construire une grande école de petits métiers pour les jeunes filles dans chaque ville du pays, créer des cantines gratuites dans chaque école publique, y construire un théâtre, créer un parc de jeux dans chaque quartier, acheter et restaurer la première maison et le premier bureau de Mokhar ould Daddah, en faire un musée, ...

 Mais je continue toujours aussi d’imaginer les pensées de ces enfants de riches lorsqu’ils deviennent grands, à quoi rêvent-ils ?

Nous voyons souvent ces jeunes - qui sont les héritiers d’une génération d’hommes d’affaires mauritaniens, généralement des hommes self made man devenus patrons d’empires financiers sans formation ni préparation préalable – perpétuer les affaires de leurs géniteurs sans beaucoup d’imagination. 

A quoi rêvent ces jeunes riches ? Rêvent-ils d’avoir la plus belle villa secondaire de la ville ? Une villa cinq étoiles, avec mosquée privée dotée d’une sono HD, écrans plasma transmettant en direct les prières de la Mecque ? Un green 15 trous ? Un home-cinéma dans chaque chambre ? Un harem de mille et une filles ?

Verrons-nous un jour, l’un de ces jeunes riches émerger du lot et devenir mécène ? Mécène humanitaire ? Mécène culturel ? A investir ailleurs que dans les sphères politiques et privées. A cultiver la culture du mécénat, à cultiver des valeurs hors champs mercantiles, pour la cause publique, pour l’estime de soi.

Nous avons déjà une expérience de mécénat avec l’exemple de l’homme d’affaires Mohamed Ould Bouamatou, qui a créé un hôpital ophtalmologique à travers sa fondation.
Même si certains disent que c’est du blanchiment d’argent, ou du détournement de l’aide (Philip Morris), ou une arnaque... cette arnaque au moins aura servi à soulager quelques milliers de souffrances.

Vivement, d’autres fondations, ce ne sont pas les chantiers en souffrance qui manquent... en fait nous manquons de tout ... sauf de pauvres !

mardi 2 décembre 2014

LA GLOBALISATION EN APPEL



Après le « procès de Bamako» (film de Abderrahmane Sissako réalisé en 2006) qui pointait du doigt l’émergence de la mondialisation et ses conséquences sur nos économies nationales, la globalisation continue son ancrage en bouleversant les modèles socioéconomiques traditionnels qui, de divers, fractionnés et fermés sont de plus en plus uniques, globalisés et ouverts. Ce processus se traduit par la libre circulation de l'ensemble des ressources productives (monnaies, capitaux financiers, biens d'équipement et technologies, ressources humaines) au-delà des cadres et repères nationaux.
En Mauritanie, ce pays de 4 millions de commerçants, plus personne n’échappe à cette course vers la rentabilité par la standardisation des produits au détriment de tout particularisme lié aux cultures locales.
Les produits spécifiques à la culture mauritanienne sont entrain de succomber à ce fantastique rouleau compresseur. Ainsi, la Melhafa, cet habit traditionnel des femmes maures, peut nous servir d’exemple concret de l’impact de la globalisation sur une économie nationale spécifique.




Dans les années 80, la « Melhafa khiatta » se confectionnait à partir d’une bande de 5mx1m50 d’un tissu « chegga » blanc importé d’Indonésie, sur lequel des femmes brodaient au fil de pêche les motifs qui donnaient ce cachet spécifique de la culture locale : carapace de tortue, dot du lièvre, pas du paon, salade, 

Ensuite, le projet de Melahfa était trempé dans une ou plusieurs mixtures de teintures « faites maison » pour au finish donner un beau voile aux couleurs et motifs variés. (cf. Claire Cécile Mitatre « El Melhafa).
Ce processus nécessitait 3 à 5 jours de  production et l’habit traditionnel ainsi confectionné revenait à la consommatrice entre 900 UM et 5.000 UM (1Euro = 400 UM), selon la variété des motifs et leur densité.



Puis, avec l’ouverture du marché asiatique, les commerçants ont commencé à faire venir le tissu « Chegga » déjà imprimé en Chine avec d’abord des motifs d’inspiration locale puis de plus en plus « impactés » par les couleurs et motifs d’ailleurs. (Phénomène de glocalisation).

Puis le tissu de la Melhafa évolua et se décline actuellement en plusieurs variétés : conçu en Mauritanie ou à Dubaï et puis fabriqué en Chine pour le modèle en coton « Gaz », au Japon sa version plus soyeuse « Kanebo », ou en Inde pour la version tergalisée « Qumayri » … (Phénomène de globalisation).
Sur le marché de Nouakchott aujourd’hui les melhafas importés remplissent les étagères de tous les magasins, offrant des qualités variées et des prix allant de 1.500 UM à 25.000 UM.

La « Melhafa khiatta » d’abord secouée par l’inondation du marché par sa concurrente importée, s’est « adaptée à la globalistion» en devenant un « produit de luxe authentique » auquel seules les privilégiées ont accès, dont le prix varie entre 20.000 UM et 50.000 UM et peut s’exporter au Maroc, en Arabie Saoudite et même aux Etats Unis d’Amérique à travers des réseaux de ventes privées via internet.