vendredi 26 juin 2015

Le Débat Citoyen planétaire comme acte majeur de démocratie

Considéré comme la plus grande consultation citoyenne jamais réalisée à une telle échelle, le débat citoyen planétaire sur le climat et l’énergie du 06 juin 2015, a connu un réel succès.  

Sur les 195 pays engagés dans les négociations de l’ONU sur les Changements Climatiques, 75 pays ont répondu à l’appel des initiateurs de cette consultation qui sont : l’Agence de Conseil Missions Publiques, le Danish Board of Technology , la Commission nationale du débat public en France (CNDP) et le secrétariat de la convention-cadre des Nations unies sur le changement climatique (CCNUCC).

Pourquoi un appel à la participation citoyenne ?

Selon Bjorn Bedsted, membre de la Danish Board of Technology, l’un des initiateurs du Débat Citoyen : «  Dans une COP, on trouve les chefs de gouvernements des pays membres de l’ONU, des experts, des industriels, des ONG …. Tout le monde cherche sa place mais, jusqu’à présent, il n’existait pas de réel mécanisme de dialogue entre tous ces acteurs. Nous avons essayé de combler ce fossé et de mettre en discussion la parole citoyenne avec les décideurs et négociateurs »

 « Il s’agit pour les participants de réfléchir aux décisions qu’ils prendraient s’ils étaient à Paris lors des négociations », précise Yves Mathieu, le directeur de Missions publiques. «Et aujourd’hui, nous avons apporté la preuve qu’aucun thème n’est trop complexe qui ne puisse être partagé avec les citoyens du monde. Leurs voix seront portées durant ses 6 mois vers les décideurs et négociateurs du sommet de Paris».  

L’Afrique est le continent le plus engagé :

Au total 10.000 citoyens ont été consultés lors des 96 débats organisés dans 75 pays, dont  29 sont des pays d’Afrique, 18 pays d’Asie Océanie, 15 pays d’Amérique et 13 pays d’Europe
Dans certains pays d’Afrique, il est même arrivé même que 2 débats soient organisés. Un engouement expliqué par la forte vulnérabilité des pays africains confrontés aux changements climatiques et affectés par les longues périodes de sécheresse.

Une méthodologie commune à tous les pays :

L’idée est relativement simple : dans chacun des pays une structure ad-hoc a sélectionné un échantillon de 100 participants représentatifs de la population du pays.  En plus des critères traditionnels (âge, genre, langue, ethnie), il a été exigé, la non-appartenance à un parti politique ou à une partie prenante (ONG environnementale, entreprise industrielle ou institution scientifique).

Un processus de sélection long et minutieux au cours duquel, chaque personne a été traitée individuellement pour recevoir, en amont, les mêmes informations nécessaires, pour se forger une opinion éclairée sur tous les enjeux liés à la problématique.

Il faut préciser que les encadreurs (coordinateurs, recruteurs et facilitateurs du débat) ont bénéficié également d’une formation minutieuse sur la méthodologie.

La journée du débat est divisée en 5 sessions d’une heure environ chacune. Durant chaque session, les participants, répartis par petits groupes suivent une vidéo introductive d’un débat entre chaque groupe, qui leur permet de confronter leurs avis sur les questions qui sont posées par la vidéo. Puis chaque participant, individuellement, soumet à travers un questionnaire son avis et ses choix politiques, qui seront relayés vers une plateforme internet. Cette plateforme immédiatement disponible permet de comparer les avis des citoyens du Nord avec ceux du Sud, d’un pays par rapport à un autre….

Une véritable prouesse logistique qui a permis à 10.000 citoyens, à travers le monde, de donner librement leur avis sur les cinq sujets-clef des négociations de la 21ème Conférence des Parties (COP21), qui aura lieu à Paris en décembre 2015, à savoir - l’urgence à agir pour le climat, - les instruments de la lutte contre le réchauffement climatique, - le processus de négociations des Nations Unies et les engagements nationaux, - les enjeux d’un accord à Paris et - l’équité et le partage des efforts entre pays industrialisés et pays en voie de développement.

La participation de la Mauritanie :

Initialement inscrite pour organiser deux débats (un national à Nouakchott et un régional à Kaédi), la Mauritanie a finalement décidé de fédérer ses efforts et ses moyens pour organiser un seul débat national à Nouakchott, avec la région du Gorgol comme participante à l’honneur.

Parrainé par le Ministère de l’Environnement et du Développement Durable, le débat citoyen en Mauritanie est organisé par les ONG BiodiverCités, Rim Youth Climate Movement et l’Association des Maires et Parlementaires du Gorgol. Il a été soutenu financièrement par l’Ambassade de France en Mauritanie, le Ministère français de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Énergie, la Région Centre-Val de Loire, le Partenariat Régional de Conservation de la zone côtière et marine en Afrique de l'Ouest (PRCM) et la commune de Tevragh Zeina, membre de la Communauté urbaine de Nouakchott.
Les citoyens mauritaniens sont très concernés, critiques et volontaristes comme partout ailleurs dans le monde.

 Le 06 Juin 2015, à 8h, tout le monde (les 113 citoyens participants + les 36 membres d’organisation) se retrouve au village de la Biodiversité de Nouakchott, aménagé pour recevoir cette manifestation dans un décor traditionnel particulièrement adapté : sous la khaïma.

Dans cet environnement rustique, un arsenal d’outils NTICS (nouvelles technologies d’information et de communication)  relie le groupe aux autres pays du monde participants à cette manifestation et transmets instantanément les résultats de leurs délibérations.

« Personne n’a été exclu de cette consultation citoyenne, la première de son genre dans le pays », explique Abderrahmane Lahy, le Monsieur NTIC du débat à Nouakchott. « Pour faire participer les analphabètes qui représentent environ 40% de la population locale, nous avons enregistré le Booklet d’informations, soient 42 pages, sur des cartes de mémoire pour téléphone, en Arabe et en Français. »

Même si d’autres membres de l’organisation pensent qu’un effort supplémentaire aurait pu être fait pour traduire les documents dans les langues locales. « Pour des contraintes de temps, nous nous sommes limités aux langues de travail du pays, l’Arabe et le Français. Ce qui a exclu des franges de populations qui ne connaissent que leurs langues maternelles (le hassaniya, le poular, le soninké et le wolof) » explique la coordination.

Cependant, un sentiment global de fierté se dégage à travers les différents témoignages, mais aussi de satisfaction et d’espoir.

Belkiss mint Ismaïl, jeune mère de famille, déclare qu’elle n’avait pas conscience du degré de dégradation de notre environnement et des dangers de la pollution. Elle espère que le débat citoyen contribue à la réussite des négociations prochaines à Paris.  

Aminetou mint Abdallahi, membre de l’équipe d’organisation, a exprimé sa fierté de voir un charretier, qu’elle avait elle-même inscrit sur l’avenue de la Polyclinique de Nouakchott, participer avec maturité au débat ce 06 juin. « J’ai compris, dit-elle qu’analphabète ne veut pas dire ignorant. Ce monsieur qui n’a jamais fait l’école, a exprimé les idées les plus intéressantes de notre groupe.

Mohamed Abdallahi Abbe, jounaliste, témoigne ainsi : « J’ai assisté à cette journée dès le début jusqu’à la fin. Ce qui m’a marqué c’est sans doute la force qu’incarne la démocratie participative. Ce mode de concertations a bel et bien prouvé son efficacité et il doit être appliqué prochainement non seulement pour résoudre les problèmes d’ordre mondial, tel que le changement climatique, mais aussi ceux nationaux et régionaux : le chômage, l’éducation et le terrorisme. »

« La consultation a été bien administrée et a permis de voir que les mauritaniens de tout genre, tout âge et de toute origine peuvent exprimer des opinions identiques motivées par le seul intérêt général. » Déclare Ba Abdoul Cissé, un participant venu du Gorgol.

Ainsi, les citoyens en Mauritanie ont exprimé à travers cette consultation, leur forte préoccupation pour la crise environnementale, leur souhait de voir le système éducatif intégrer les dimensions environnementales comme outils de lutte contre les changements climatiques et de voir leurs avis contribuer à la réussite du Sommet de Paris, prévu en décembre 2015.

 Pour plus d’informations sur l’expérience en Mauritanie :
Pour La lecture des résultats de la consultation, sont disponibles en ligne sur 

Maimouna A. Saleck

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